Les Juifs du Pape et la Synagogue de Cavaillon

De la Synagogue médiévale, il subsiste au nord une tourelle. Ce vestige est probablement la survivance de l’escalier d’une synagogue dont on peut imaginer les proportions.

Reconstruite en partie au-dessus de la rue Hébraïque entre 1772 et 1774, la synagogue est conçue en deux volumes superposés, reliés par un escalier extérieur. La formule architecturale des synagogues du Comtat, seulement conservée à Cavaillon et Carpentras, est unique au monde.

La lecture de la Torah, fondement de la croyance, se fait sur une tribune face au tabernacle où les plus éminents membres masculins, dont l’officiant, sont regroupés.

Autre trait spécifique, le rôle insigne accordé au prophète Elie, représenté sous la forme d’un fauteuil, traité sur un mode symbolique, juché sur un nuage. Le vocabulaire décoratif est inspiré de celui de la Provence d’alors, traduit par des lambris de bois peint, gris rehaussé de bleu et jaune et des murs enduits et colorés, en rose soutenu. De la feuille d’or vient souligner les pôles majeurs de la liturgie : tribune et tabernacle.

Deux chandeliers à sept branches se détachent du garde-corps en ferronnerie. Les lustres sont remployés du précédent édifice. Dédicacés, ils témoignent souvent d’un acte de piété. La salle haute ne peut se dissocier de la synagogue basse, réservée aux femmes, servant également de boulangerie comme l’attestent encore la table à pétrir en marbre et le four à pain azyme.

C’est là que sont présentées actuellement les collections, issues soit « du cimetière des livres », découvert dans les années 1930, soit, lors de la création du musée en 1963, de stèles funéraires et de dons de descendants de Juif du Pape. C’est d’ailleurs le siège de leur association culturelle. Préfiguration d’un véritable parcours au cœur de l’ancienne carrière, les bains rituels sont visibles actuellement lors des Journées Portes Ouvertes du Patrimoine à la mi-septembre.

Comme à Carpentras, Avignon ou l’Isle sur la Sorgue, la communauté juive de Cavaillon vit depuis 1624, dans un quartier à part, un ghetto. On l’appelle la carrière, du terme provençal qui signifie la rue. Cette situation d’exclusion et de tolérance mêlées, spécifique aux Etats du Pape, est connue par les textes à Cavaillon dès la fin du 15e siècle.

En Vaucluse, elle demeure aujourd’hui la seule encore lisible de l’Ancien Comtat. La carrière était strictement délimitée : au sud sur la rue Fabricis, actuelle rue de la République, où se situait jusqu’au 18e siècle, son unique entrée, fermée chaque nuit et à l’occasion des grandes fêtes religieuses chrétiennes.

Au nord, des fouilles récentes ont révélé, depuis la fin du Moyen-Age, la persistance d’une placette jouxtant la synagogue, dont la tourelle au nord-est est sans doute un vestige délibéré. Les superbes portes en bois polychrome du tabernacle, conservées au Musée Juif Comtadin, par leur module permettent de restituer un volume modeste.

Au 18e siècle, la communauté n’a jamais dépassé 200 personnes.